Thèses pour l'enseignement religieux chrétien

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Groupe de théologiens protestants et catholiques

Germania       06/1950

En mai 1950 à Bad Schwalbach (Allemagne), un groupe de théologiens protestants et catholiques (dont firent partie le pasteur Freudenberg et Karl Thieme) résolut de donner des fondements bibliques plus solides aux thèses de Seelisberg. Le texte fut soumis à différentes « Gesellschaften für christlichjüdische Zusammenarbeit » et des modifications y furent apportées. En juillet 1950, il reçut l'approbation de la hiérarchie catholique de Fribourg.
(De ce texte, nous publions uniquement les thèses qui approfondissent les Dix Points de Seelisberg. Elles sont précédées d'une introduction pour laquelle on pourra se reporter aux Cahiers sioniens, Paris, sept. 1950, 225-226. Le document original est reproduit, entre autres, in Judaïca, Paris, ler sept. 1951).

I. Un seul et même Dieu parle à tous les hommes dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament. Ce Dieu unique, c'est le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, de Moïse et des Prophètes. Si nous chrétiens ne croyons pas en ce Dieu unique, nous adorons un faux dieu, même si nous l'appelons le Père de Jésus-Christ: cela fut déjà l'hérésie de Marcion au 2e siècle.

II. Jésus est né du peuple d'Israël, d'une mère juive, de la race de David. Par lui, le fils de David, l'Oint de Dieu, nous avons part à la rédemption, liée pour Israël à la venue du Messie, et déjà promise à tous les autres peuples dans la bénédiction donnée à Abraham. S'il est sûr, pour notre foi, qu'en la personne de Jésus de Nazareth est venu le Sauveur qui accomplit toute promesse de salut, il n'en reste pas moins certain que nous attendons encore le jour à venir où nous contemplerons la manifestation de cet accomplissement.

III. L'Eglise, fondée par l'Esprit-Saint, est composée de juifs et de païens réconciliés dans le Christ et rassemblés pour former le nouveau Peuple de Dieu. Nous ne devons jamais oublier qu'une partie importante de cette Eglise est formée de juifs, et que les apôtres et les premiers témoins de Jésus étaient des juifs.

IV. Le précepte fondamental du christianisme, celui de l'amour de Dieu et du prochain, promulgué déjà dans l'Ancien Testament et confirmé par Jésus-Christ, oblige donc juifs et chrétiens dans toutes les relations humaines sans exception.

V. Parce que le juif, comme le chrétien (Mc 12, 33s; Rm 13, 8-10), est soumis à la même Loi d'amour sans limites, c'est pécher que de rabaisser orgueilleusement les juifs de l'époque biblique et post-biblique par rapport aux chrétiens, et c'est méconnaître ainsi l'Evangile comme accomplissement de la Loi.

VI. C'est ne pas être conforme à l'Ecriture que d'assimiler « les juifs » aux « ennemis de Jésus »; car précisément l'évangéliste Jean — auquel cet usage se réfère — même là où il semble les identifier l'un à l'autre, ne désigne pas, en parlant des « juifs », la totalité du peuple juif, même pas à Jérusalem (7, 12s), mais la grande partie des chefs politiques et religieux influents à ce moment-là (7, 48ss). C'est pourquoi, en parlant de la Passion, on ne devra pas omettre de rappeler « ces foules » qui pleuraient sur Jésus (Lc 23, 27) et qui après sa crucifixion « s'en retournaient en se frappant la poitrine » (Lc 23, 48).

VII. Avant tout, il n'est ni biblique, ni chrétien de regarder et de présenter la Passion du Christ, à qui nous devons notre salut, dans une lumière partielle, en l'attribuant à la faute d'hommes déterminés historiquement ou à celle d'un peuple précis. Autant que des hommes peuvent en juger, et en se basant sur les données du Nouveau Testament, on peut distinguer clairement, parmi les contemporains de Jésus, trois attitudes « coupables » à des degrés divers:

1. La conduite de quelques-uns, relativement peu nombreux qui, d'une manière ou d'une autre, ont été impliqués dans la crucifixion, depuis les instigateurs de la mort du Christ, poussés par l'ambition politique ou le fanatisme religieux, jusqu'aux fonctionnaires ou aux disciples qui ont failli par lâcheté.

2. Le comportement de cette multitude qui ne pouvait se résoudre à croire en la Résurrection de Jésus, annoncée par les apôtres et reliée aux preuves scripturaires de sa messianité, et qui se laissait plutôt convaincre par les arguments qui semblaient parler contre un condamné à mort pour blasphème et pour soulèvement du peuple (cf. Ac 17, 11, mais aussi Lc 5, 39!).

3. La haine d'un assez grand nombre qui poursuivaient et calomniaient les disciples de Jésus (Ac 13, 50; 14, 19; 17, 5ss; 18, 12ss) — il ne faudrait cependant pas oublier que dès le Moyen Age, avec Maïmonide, les autorités juives modifient de plus en plus leur attitude et, à l'encontre de leurs prédécesseurs, reconnaissent le païen baptisé comme un adorateur du vrai Dieu.

En tout cela, nous chrétiens, nous ne devons jamais oublier que nous nous rendons bien plus coupables si, en dépit des grâces reçues,

1. nous nous livrons au messianisme politique et social et crucifions ainsi le Seigneur, nécessairement et finalement à nouveau, dans ses membres;

2. nous nous contentons de confesser des lèvres la Révélation de Dieu, au lieu de consentir à l'opprobre de la croix, comme le Seigneur mort et ressuscité pour nous a le droit de l'exiger de notre vie entière; nous devrions plutôt être at• tentifs aux avertissements et aux promesses qu'il nous a donnés comme signes dans le fait qu'entre 1933 et 1945, pour la première fois dans l'histoire, des juifs et des chrétiens furent persécutés ensemble;

3. nous nous refusons de respecter le croyant sincère qui ne partage pas notre foi.

VIII. La signification de la crucifixion du Christ dans l'alliance de Dieu avec Israël est un mystère caché à l'intérieur de la fidélité inébranlable de Dieu pour son Peuple. Et même la partie centrale de l'épître aux Romains (chap. 9-11) ne nous le révèle dans ses traits principaux que par allusion. Comme partout ailleurs dans l'histoire de ce peuple unique, il ne peut être question ici de malédiction, mais bien plutôt de bénédiction que Dieu veut accorder finalement à son Peuple, et avec lui, à tous les peuples. Seul — d'après Gn 12, 3 — s'en exclut celui qui par légèreté ou par malice porte atteinte à cette alliance pleine de promesses. Le chrétien, en outre, se souvient de la parole du Christ en croix: « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font! ». Le cri d'une foule excitée: « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants! » doit être tourné par nous en prière, et exprimer que ce sang sauve finalement ceux pour qui il a été d'abord répandu. Jamais nous ne devrons abuser de ce cri pour présenter l'effusion de sang juif comme une sorte de juste punition, d'autant plus que la chrétienté primitive a vénéré avec une ferveur particulière des martyrs d'origine juive.

IX. L'unique passage du Nouveau Testament, où au mot « rejet » appliqué au destin des juifs est opposé immédiatement « l'assomption » future du peuple de l'Ancienne Alliance dans la Nouvelle et définitive, en Rm 11, 15, doit être la norme d'interprétation de toutes les affirmations néotestamentaires concernant le rejet. Il n'est pas conforme à la Révélation d'annoncer uniquement l'aspect provisoire du double jugement donné par l'ensemble de la Bible, sans évoquer en même temps, l'autre aspect — le définitif — qui le supprimera en le dépassant. Le oui des juifs à Jésus comme dernier mot de leur histoire est promis par Dieu; et cette promesse est la garantie de son oui aux juifs. Cela doit être aussi le dernier mot de la prédication chrétienne au sujet des juifs.

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Inserito 01/01/1970